Le stockage du CO2

Environnement

On devine que cette technique va avoir un coût financier et environnemental.

Quelques responsables de l’association ont suivi des conférence d’experts proposées par l’INERIS (Institut National de l’Environnement et des Risques Industriels ), et ont complété leur information par eux-mêmes, pour comprendre les enjeux et les risques liés à cette proposition.

L’INERIS instruit ou participe à la mise au point des PPRT (Plans de Prévention des Risques Technologiques) élaborés pour encadrer certaines implantations à risque.

Les stockages souterrains de gaz et d’hydrocarbures, en France, entrent dans la catégorie des implantations qui doivent être dotées d’un PPRT. Ces stockages non seulement doivent servir de modèles pour asseoir notre connaissance, mais certains d’entre eux sont destinés à être transformés en stockage de CO2.

Les réservoirs de CO2 fuiront-ils ? Téléchargez ci-dessous un article intéressant à ce sujet.

Position de l'association

L’humanité commence à se préoccuper de l’impact de ses activités sur le climat. Les indices d’un réchauffement généralisé se vérifient de jour en jour, lié notamment à l’effet de serre.

Celui-ci est produit par la présence de certains gaz dans l’atmosphère ; parmi eux le gaz carbonique ou dioxyde de carbone ou encore CO2 (son code chimique).

Les réunions entre grands dirigeants de Rio (1992) puis de Kyoto (1997) ont lancé des démarches pour réduire la présence de ce gaz dans l’atmosphère. Ils ont imaginé un système basé sur le niveau de développement économique allouant des droits d’émission, que le langage populaire a vite transformé en « droits à polluer » , et qui est devenu un bien commercial.

Le moyen le plus sûr pour l’environnement serait de réduire toutes les industries, toutes les combustions qui produisent ce gaz. Le mécanisme économique a conduit à une alternative. Il s’agit de la capture et du stockage du CO2 après son émission.

Les projets, basés sur cette idée, s’appellent tantôt « Piégeage Stockage du CO2 » (PSC) tantôt « Capture Séquestration CO2 »(CSC) .  Dans leurs très grandes lignes, ils consistent à récupérer le gaz carbonique en sortie d’un process industriel (qui en produit un débit important et régulier dans un premier temps), puis à l’acheminer dans un endroit où le stockage sera possible, à l’injecter dans le sous-sol dans des formations géologiques capables de le recevoir et de le garder avec un taux élevé de sécurité pendant des durées très longues.

Techniques de capture – transport – stockage du CO2

Le stockage du CO2 dans le sous-sol comprend trois étapes

La capture / Le transport / L’enfouissement

La capture : Pour l’instant, on ne peut l’envisager que sur des installations fixes, dont le débit est régulier. On se focalise aussi sur les grosses installations, pour des raisons d’économie d’échelle : ce sont donc les industries lourdes centrales thermiques, cimenteries, raffineries qui sont visées.

Trois techniques sont envisagées

La récupération en post-combustion. Le gaz carbonique ne constitue que 3 à 15 % du gaz rejeté, avec beaucoup d’air, donc d’azote. Par un « lavage » des gaz rejetés avec de l’eau et un solvant on peut extraire 85 à 95% du CO2 ; il faut trouver un solvant efficace qui est régénéré et réutilisé (actuellement monoéthanolamine ou MEA). Cette technique est efficace, mais coûteuse en énergie. C’est la plus prisée pour l’instant.

 L’oxycombustion. On remplace l’air de combustion par de l’oxygène (O2). On obtient une teneur en CO2 équivalente (95%) dans le gaz en sortie. Il faut aussi consommer de l’énergie pour produire l’oxygène (distillation cryogènique). Il faut aussi modifier les chambres de combustion.

La précombustion. Le combustible subit une première oxydation dans un premier réacteur, avec de l’oxygène ou de la vapeur d’eau, le carbone est converti en monoxyde d’azote

C+ H2O  à  CO + H2   ou 2C + O2  à 2 CO, puis une seconde opération où

CO + H2O à CO2 + H2

On obtient 15 à 60 % de CO2 sec dans le mélange de sortie. L’extraction d’hydrogène H2 peut être intéressante.

La technique est encore complexe et coûteuse.

On a l’habitude d’inclure dans la première phase du process la compression du gaz obtenu, opération nécessaire, quelle que soit l’emploi suivant. On porte le CO2 à l’état supercritique 74 bars, et 31°C. ce qui consomme aussi de l’énergie

Le transport

Le gaz carbonique extrait des grosses industries est rarement obtenu là où on pourrait le stocker ; il faut donc le transporter.

Le moyen le plus satisfaisant est le gazoduc (on ne déplace que le gaz). La technique est maîtrisée. Il faut que le gaz soit sec sinon il a un comportement acide.

Pour des transports entre continents, le bateau est un moyen efficace, avec navire analogue aux méthaniers transport en phase liquide 20 bars, -20°C.

L’enfouissement

Il devra se faire à l’état supercritique (pour avoir une forme dense) donc à une profondeur minimale de 700 à 900 m. le CO2 pourra se dissoudre dans les eaux interstitielles.

3 types de sites sont visés :

Gisements pétroliers ou gaziers en fin de production : leur atout : des installations existent (injections de récupération), connaissance de la structure, assurance d’un bon confinement

Inconvénient : ils sont généralement loin des sites de production du CO2.

Gisements houillers, (structures abandonnées ou inexploitables) capacité moindre a priori, adsorption du CO2 au charbon (l’état adsorbé pourrait être stable à l’échelle de temps géologique) cette technique pourrait participer à la récupération de méthane généralement présents dans ces sites.

Les aquifères salins profonds : potentiel de stockage supérieur, plus grande répartition géographique. (Données nombreuses pour le bassin parisien)

Capacités identifiées dans le monde

675 à 900 Gt dans les réservoirs d’hydrocarbures,

15 à 200 Gt dans les veines de charbon

1000 à 10 000 Gt (gigatonnes) dans les aquifères salins


Les PPRT (Plans de Prévention des Risques Technologiques)

Ces plans sont mis en place par une loi de 2003 pour évaluer et prévenir les accidents industriels dans des zones urbaines, en clair pour empêcher que se reproduisent des accidents tels que celui d’AZF, le 21 septembre 2001 à Toulouse, ou de Feyzin (banlieue de Lyon dans les années 1960).

Ils s’appliquent à des établissements « de type Séveso, seuil haut » donc dont l’activité présente des risques par effet physique, chimique, de rayonnement pour une population exposée dans un périmètre autour de l’installation.

400 établissements en France, concernant 900 communes, sont visés par cette législation. 5 plans sont déjà approuvés, 140 sont démarrés, 200 en cours de lancement. Le ministre Jean Louis Borloo prévoit 80 % des PPRT approuvés pour la fin 2010.

Voir sur le site de l’INERIS : www.ineris.fr

Dès que l’existence d’un périmètre d’études de risques est arrêtée, l’obligation d’information s’impose à l’acquéreur ou au locataire pour toute transaction sur un bien dans le périmètre.

Ces plans sont instruits par l’ADEME ou les DRIRE locales ; INERIS étant parfois mandatée pour fournir une expertise.

Il est intéressant de comprendre comment est construit un tel plan :

(En italique le terme convenu pour désigner le concept)

            On analyse tous les phénomènes accidentels que peut présenter l’activité de l’établissement, aléas technologiques, en tenant compte de l’intensité possible.

            On évalue la probabilité que de tels phénomènes se produisent, fréquence selon laquelle un incident entrant dans la définition précédente peut se produire. Elle est estimée par analyse des incidents sur des équipements ou des installations similaires, en tenant compte de l’état de maintenance, et s’échelonne sur 5 niveaux : faible, moyenne, élevée, forte, très forte.

            Un autre volet étudie les effets : conséquences possibles d’un phénomène accidentel, de 3 types toxique (gaz), thermique (incendie), surpression (explosion), qui se mesurent selon 4 seuils d’intensité, indirect, irréversibles, létaux, et létaux significatifs.

Le report des informations ainsi obtenues sur une carte ( tenant compte des déclivités, accidents de terrain …)  fait apparaître les zones d’exposition de la population, les enjeux humains, habitations, commerces, établissements recevant du public, infrastructure de transport, équipement d’intérêt général…, et indique ainsi la vulnérabilité du territoire, ou d’un élément de territoire.

Cela conduit parfois à des investigations supplémentaires, comme l’étude du comportement d’un bâtiment particulier par sa construction, son matériau ses dimensions, sa destination, dans le périmètre d’étude.

Par exemple, l’observation d’un grand nombre de blessés à Toulouse par des bris de vitres loin du point d’explosion a conduit à inclure et à modéliser ce phénomène (étude de la DRIRE Lorraine)

L’instruction du PPRT concerne un nombre limité d’intervenants, les exploitants, les communes ou établissements publics compétents, le comité local d’information et de concertation (où peut se trouver une association comme la nôtre). Le PPRT  propose des mesures pour  réduire la vulnérabilité, interdiction de construire, limitation, contraintes ( de dimensions, de matériaux, d’équipements …)

Une concertation est organisée (fixée dans l’arrêté de prescription) qui permet aux habitants, et associations locales de s’exprimer. Elle comprend l’étape obligée d’une enquête publique.

Légalement, dès lors qu’il sera approuvé, le PPRT s’imposera parmi les documents d’urbanisme (POS, PLU) comme une servitude d’utilité publique. Cependant, il faut bien avoir à l’esprit qu’il est un outil vis-à-vis du risque d’accident (humain) ; il sera inopérant contre les menaces à l’environnement.

Les Risques liés aux stockages souterrains de gaz et d’hydrocarbures en France

Et leur prise en compte dans les PPRT

Expérimenté depuis un demi-siècle en France (Beynes 1956) le stockage en souterrain de produits pétroliers vise de très grandes quantités et permet d’amortir les incertitudes d’approvisionnement et les pics de consommation. Il s’est développé après la crise de 1973.

Il y a 26 sites dans le pays, régis par le Code Minier.

Ils sont classés Séveso et soumis aux PPRT

Le stockage comporte une station centrale en surface, des puits pour injecter et retirer le produit, un réservoir, en profondeur.

3 types de réservoir existent :

            en aquifères : dans une couche poreuse, perméable, surmontée d’une couche imperméable (argile) ; la couche est généralement occupée par de l’eau qui se déplace (ou migre) lorsque le gaz est injecté. Ces réservoirs permettent de stocker de grandes quantités (en millions de m3) à moyenne profondeur (1000 mètres) ; c’est le stockage le plus répandu en France (12 sites sur 26)

            en cavités salines ; obtenues par dissolution du sel, qui est étanche. Les volumes sont moindres (quelques centaines de milliers de m3) et fragmentées. Elles sont souvent plus profondes (situation du sel, 1500 m) ; on y place plutôt des hydrocarbures, ou du GPL, on doit y maintenir une pression de 60 bars (sinon le fluage du sel réduit la capacité) (8 sites en France)

            en cavités minées (galeries par creusement mécanique) faible profondeur et faible capacité, plutôt réservées aux liquides (7 sites)

Les risques relevés sont :

aléas à la station de surface : identiques aux installations d’extraction ou aux centrales, défaillances de compresseurs, ruptures de canalisation, d’unité de traitement, explosion de réservoir.

Aléas aux collectes ; ruptures de tuyauterie, agressions de ces dernières par chantiers de voirie…, corrosion, (risque un peu plus important du fait de l’humidité élevée du gaz extrait)

Aléas aux puits, rupture de têtes de puits, corrosion des puits, dégradation de la cimentation, des obturateurs (des innovations sur les obturateurs et les puits (doubles tubulures) permettent de réduire les fuites : pertes économiques)

Aléas de réservoir : l’instabilité des cavités (à faible profondeur) est compensée par des galeries d’eau qui maintiennent une pression d’eau dans la roche environnante.

Application au stockage de CO2

Concernant le transport et le stockage, les dangers sont les mêmes que pour les gaz et  hydrocarbures. Les spécialistes de l’INERIS observent que le risque d’explosion disparaît mais, qu’il peut y avoir davantage de corrosion.

Le CO2 présente des risques en tant que produit.

Incolore et sans odeur, il n’est pas facile à détecter. Une teneur de 7 à 8% dans l’air, rend cet air toxique et dangereux à respirer. Un peu plus lourd que l’air, il peut s’accumuler et provoquer des accidents. On se souvient des émanations de CO2 d’origine naturelle du Lac Nyos au Cameroun, un lac de cratère, qui ont anéanti la vie dans toute la vallée.

Il est heureusement très stable. Il peut concourir à une acidification du milieu.

A la capture, et lors du transport il y a les risques liés à la technique mise en œuvre.

L’INERIS a mis au point une méthode de contrôle et de mesure des fuites de CO2 pour suivre la vie des gisements (méthode brevetée). Il existe un flux de fuites naturelles de CO2 permanent du sol vers l’atmosphère variable selon les régions, de l’ordre de 2 cm3/ m2 / mn.

Le contrôle est un minimum indispensable si le stockage se développe.

Le risque sismique doit-il être pris en compte ?

 Il faut noter que les séismes engendrent des dégâts en surface par la faute des ondes de cisaillement, mais très peu en profondeur. Les couches d’argile coiffant les aquifères, et le sel ont des propriétés de déformation plastique. De plus, les aquifères sont dans des bassins sédimentaires, donc par nature peu exposés aux risques sismiques.

Un accident de stockage de CO2 s’est produit en Amérique.

Deux caractéristiques doivent être indiquées. L’exploitant avait repris une ancienne structure qui avait de graves défauts d’entretien, et qui se trouvait à faible profondeur. Ce retour d’expérience est bien intégré dans les PPRT (inexistants outre-Atlantique).

Surtout il faut pouvoir garantir la sécurité sur une très longue durée, très au-delà de l’expérience d’une vie humaine. Il y a un engagement implicite des générations futures dans cette expérience.

Ceci ouvre l’aspect juridique des responsabilités, des assurances, qui est un vaste domaine, où tout reste à faire.

Un projet voisin, initié par VEOLIA, se met en place à Claye-Souilly dans le Bassin Parisien, où le réservoir serait formé de couches aquifères salines.

L’exploitant du complexe d’incinération et chauffage urbain de Massy, CURMA, s’est aussi posé la question. Le SIMACUR, propriétaire de l’installation a écarté cette éventualité.

Ces projets français ont le désavantage de se situer dans des zones habitées. Ils ont été amorcés, comme souvent dans ce pays, sans effectuer auprès du public touché de campagne de concertation et d’explications.

Une information récente (le Monde 5/6 avril 2009) indique que le CO2 serait stable dans le temps et dans les conditions de stockage. C’est tant mieux ; il reste les nuisances dont il est porteur tel quel.

Notre position est proche de celles qui sont défendues par Greenpeace ou France Nature Environnement.

Le Stockage du CO2 consomme de l’énergie, et nécessite des investissements lourds et coûteux ; il est donc lui-même source de nuisances.

Dans ces conditions, il faudrait le réserver au cas où il n’y a pas d’alternative au processus industriel qui génère ce CO2. (subsidiarité)

La généralisation du procédé aurait l’effet pervers de dispenser les décideurs de rechercher des techniques alternatives aux industries actuellement grandes productrices de CO2. On reproduirait la démarche qui a prévalu pour le traitement des ordures ménagères avec une orientation massive vers l’incinération, dont on cherche à revenir.

 Le stockage dans le sous-sol serait avantageux s’il était efficace et sûr dans la durée, la très grande durée. Les décideurs n’ont que très peu de recul sur les expériences engagées ; le gaz carbonique présente des dangers lorsqu’il est présent en concentration importante, il n’est pas possible de se permettre de risques.

Si une expérience soit tentée en France, il faut que ce soit après une large information du public, et une concertation des populations concernées, avec des conditions d’encadrement sévères par des organismes indépendants, et en tout cas loin de toute zone habitée.